Grand #débat : veillée d’armes dans l’Allier


16

Jan

2019

Les « gilets jaunes » ne sont pas nécessairement allés remplir les registres proposés dans les mairies, mais beaucoup avaient déjà recueilli des expressions et les ont fait remonter aux élus locaux. Sur les ronds-points encore actifs ou les villages qui ouvrent des « assemblées populaires », ce sont des citoyens peu habitués au débat public qui attendent le « grand débat » avec circonspection et méfiance.

 

A  la veille du grand débat national, qui sera lancé le 15 janvier par Emmanuel Macron dans l’Eure, des maires ont lancé des cahiers de doléances. Avec un succès relatif dans l’Allier.  A côté du dernier grand rond-point de Saint-Yorre, sur la route départementale 906 qui s’élance vers le Puy-de-Dôme  – avec des panneaux de limitation de vitesse à 80km/h -, assis sur des « canapés » en palettes en bois ou debout autour de deux tonneaux de feu, les gilets jaunes affichent leur circonspection : « Mais ils le savent déjà ce qu’on veut ! » dit l’une, « ils l’ont dit à la télé, mais nous on n’est pas averti, on n’a rien reçu dans les boîtes aux lettres », dit l’autre.

 

La grande cabane installée semaine dernière, entre le rond-point et le Carrefour market, affiche à l’entrée l’autorisation municipale à occuper le terrain, à condition de ne pas gêner la circulation, et ce jeudi, malgré le froid, une vingtaine de « gilets jaunes », venus de plusieurs communes, sont présents. « Le week-end nous sommes une cinquantaine, au plus fort des manifs nous étions autour de 200, il fallait se séparer en trois groupes », explique Jérôme, un des plus assidus.

 

« Le maire nous met une salle à disposition, pour pouvoir faire nos réunions. Le cahier de doléances nous l’avons déjà fait nous-même, et nous l’avons donné avant Noël au maire de Saint-Yorre », ajoute-t-il. Et se souvient, de mémoire des revendications annotées : le référendum d’initiative citoyenne, les retraites, l’ISF, la revalorisation des salaires et du SMIC, la détaxation des produits de première nécessité, l’arrêt des contrats à très courte durée -pas moins de 6 mois pour les CDD-, les 80km/h… « Difficile de se souvenir de tout, il y en avait une cinquantaine », souligne Jérôme. « La baisse des salaires des ministres et des députés, ou au moins qu’on arrête de les payer quand ils arrêtent de travailler », ajoute un voisin.

Le grand débat ? Ils n’y croient pas trop. « C’est un coup de seringue soporifique » dit l’un, « ils vont écouter d’une oreille et ça va ressortir de l’autre », ajoute quelqu’un. « Ils vont jouer la montre, mais on n’est pas à la même heure », souffle encore un autre participant.

« Il y a beaucoup de doléances, mais sur BFM ils disent que Macron ne reviendra pas sur l’ISF. Les gens attendent de voir ce qu’il se passera en février, ajoute Claire, retraitée, un peu déçue de ne pas voir plus de jeunes ou de chômeurs sur le rond-point, c’est pour eux que nous sommes là ».

 

« Maison du peuple »

 

A Doyet (1193 hab.), commune située entre Montmarault et Montluçon, près de l’A71, le « cahier de ras-le-bol » avait également été bien rempli avant les cahiers  de doléances mis en place par l’Association des maires ruraux de France. « Nous l’avions ouvert dès le le 24 novembre, et l’avions posé au Vival de Doyet (la supérette de la commune, ndlr), puis nous l’avons remis le 26 décembre à la mairie, suite à l’appel de l’AMRF. Il a été renommé ‘cahier d’expression citoyenne’, mais c’est notre cahier », raconte Gérard Blanchet, ancien professeur.

 

Avec plus de cinquante contributions, les témoignages montrent une évolution dans la prise de parole. « D’abord c’était surtout ‘il y en a marre des taxes’ et «’Macron démission’, ensuite les gens ont raconté leurs difficultés, puis des propositions », souligne le retraité qui était dès le début du mouvement avec un paysan, une ancienne artisane, une ouvrière de l’industrie chimique et une employée municipale. Ce week-end ils vont commencer à construire une « maison du peuple », dans un local -l’ancienne salle des fêtes- qui leur a été prêté par la mairie. « Cela s’inscrit dans la démarche de l’appel de Commercy dans la Meuse, et de Saint-Nazaire. Désomais les citoyens veulent prendre en charge leurs affaires eux-mêmes », affirme Gérard Blanchet.

 

Les maires à la rescousse

 

Les rares témoignages laissés dans les mairies, finalement, ne sont que le reflet de ce qui se passe ailleurs, sur le terrain « non institutionnel ».

 

« Chez nous, deux personnes ont écrit chacun une page, et un groupe de trois ont travaillé ensemble pour écrire un texte », explique Jean-Claude Potignat, conseiller délégué à Creuzier-le-Vieux. « Ça tape dans tous les sens, c’est un petit peu désordonné : la vitesse, la revalorisation du SMIC, les députés et ministres qui gagnent beaucoup trop, ‘je ne suis pas raciste mais il ne faut pas que l’Etat donne beaucoup d’argent aux immigrés’. Mon ressenti c’est que le faible nombre de réactions reflète la situation économique, plutôt aisée, des habitants de la commune. Maintenant on va voir à qui il faut faire remonter tout ça. Probablement le faire suivre à la préfecture. »

 

« Les gilets jaunes ne sont pas contre les élus, dans les petites communes il y a une volonté que les élus locaux soient le relais des revendications, mais encore faut-il que les élus locaux se positionnent comme interlocuteurs. S’ils ne font pas la démarche d’aller vers les gilets jaunes ou d’annoncer largement la mise en place des cahiers, les gens ne vont pas venir », considère Alexis Mayet, conseiller municipal d’opposition (div. gauche) à Saint-Germain-des-Fossés, qui a suivi de près les manifestations dans les ronds-points du bassin de Vichy.

 

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